Renaissance

Je voudrais, les prunelles closes, Oublier, renaître, et jouir De la nouveauté, fleur des choses, Que l’âge fait évanouir.Je resaluerais la lumière, Mais je déplierais lentement Mon âme vierge et ma paupière Pour savourer l’étonnement ; Et je devinerais moi-même Les secrets que nous apprenons ; J’irais seul aux êtres que j’aime Et je leur donnerais des noms ; Émerveillé des bleus abîmes Où le vrai Dieu semble endormi, Je cacherais mes pleurs sublimes Dans des vers sonnant l’infini ; Et pour toi, mon premier poème, Ô mon aimée, ô ma douleur, Je briserais d’un cri suprême Un vers frêle comme une fleur. Si pour nous il existe un monde Où s’enchaînent de meilleurs jours, Que sa face ne soit pas ronde, Mais s'étende toujours, toujours… Et que la beauté, désapprise Par un continuel oubli, Par une incessante surprise Nous fasse un bonheur accompli. Sully PRUDHOMME
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