Au milieu des joyaux étincelants et lourds
Dont elle allait parer sa gorge demi-nue,
Elle vit un bouquet qu’une main inconnue,
Avait mis là, parmi la soie et le velours.Or ce bouquet, formé de fleurs presque fanées,
Rien qu’à le voir serrait le cœur ; les nénuphars,
Les glaïeuls maladifs, fils des matins blafards,
Les lys, penchés sur leurs tiges déracinées,Entouraient les pavois qui charment les douleurs,
Les safrans que l’on voit scintiller dans les herbes
Et les dalhias lourds, dont les fraises superbes
Étalent au soleil leurs sanglantes couleurs.Et ces fleurs avaient comme un parfum de souffrance ;
Elles semblaient narrer un bonheur écroulé,
La main qui les cueillit en ayant exilé
Tout emblème d’amour heureux ou d’espérance ;
Elles semblaient, dernier présent de quelque amant,
Juste à l’heure où la vierge allait devenir femme,
Être la plainte triste et navrante d’une âme
Qui seule avait gardé la foi d’un doux serment.
Alors, se souvenant, la blonde fiancée,
Rêveuse, contempla le bouquet, puis le prit,
Et, comme un vieux refrain, surgit dans son esprit
Le roman oublié de la saison passée.
Et, quand pour respirer le parfum de ces fleurs
Elle approcha sa bouche infidèle et rosée,
En croyant effleurer des gouttes de rosée,
Sans pleurer elle apprit le goût amer des pleurs.
Raoul GINESTE